L’art de cuisiner le pavé

Le black block est au peuple ce que le pouls est au corps : de sa vibration et de son mouvement se déduisent la santé de l’ensemble.


Le cœur et le cerveau sont en guerre. Le peuple, qui est le corps et l’ensemble de veines assurant la vie de l’organisme national, se bat face à la tête, qui depuis son haut trône agit au nom de la Raison, et au nom d’une bonne foi qui pourtant sonne mal. L’Europe entière s’en inquiète. L’un, donc se bat pour la survie et la protection de l’ensemble du vivant. L’autre, sous prétexte de protéger le corps, protège ses intérêts. Au final, et nous ne conclurons pas là-dessus, l’élite veut tout (et elle veut surtout la paix), sauf le partage de ce qu’elle possède. Divorce consommé de jour en jour entre les deux parts.

Malgré l’apparat militaire que déploie l’État, et qui tente de nous faire croire qu’il est fort, nous voyons d’un côté un monde, un très vieux monde qui se meurt. Celui hors-sol de l’exploitation outrancière, où toute donnée naturelle est un nombre et un chiffre, avant d’être per se. Règne de la compassion universelle d’un côté. Règne des petits suisses de l’autre. Quelques hommes, alors, décident de la vie de millions d’êtres. Êtres qui ont confié aux premiers la responsabilité administrative et législative du pays. Mais aujourd’hui, le peuple reprend, et ce en son droit le plus naturel, ce pouvoir qu’il avait confié. L’Histoire du pays le montre, les français détestent la concentration du pouvoir. Et simplement pour rappeler la situation actuelle, il faut dire que l’exercice actuel fait du pouvoir fait vomir le peuple de rage.

Pourquoi faisons-nous pleuvoir des pavés sur l’homme bleu ? Au nom de quelle cause et au nom de quelle défense ? Quatre mots : les ressources sont là. Encore quatre mots : oui, l’abondance est partout. Seul l’usage doit être modéré. Mais certains se goinfrent, prenant tout, possédant parfois plus qu’un peuple entier.

Ce que montre le mouvement populaire dans la rue : rien, pas-même la constitutionnalité, pas même la BRAV-M, pas même les gaz lacrymogènes inhalés en quantité, en fait vraiment rien ne fera reculer le peuple de France face au muselage démocratique opéré par Emmanuel Macron. Après cette 13ème journée de mobilisation dans la rue : notre seul constat est de voir que la détermination du peuple a triplé. Des plus aux moins jeunes, tous scandent et crient le même slogan. Toutes s’égosillent pour réveiller les vieux esprits, dans leurs trop mous et mielleux sofas. Facto : le président gouverne contre le peuple qu’il est sensé servir, et le peuple a pour volonté de mettre fin à cet abus. Emmanuel Macron oublie une fois encore qu’il n’a été élu que pour faire barrage à pire que lui. Lui-même se sera montré capable du pire.

Sourire, fières et honorées salutations à nos cousins du plat pays. Quelle joie de voir que le PTB fait sien notre combat. Oui, nos confrères européens nous ont entendus. L’Organisation des Nations unies nous a entendu. Tant d’observateurs nationaux et internationaux l’ont vu : une démocratie telle que la nôtre, historique, inbafouable, bafouée en trois mois par un seul ex- banquier abusant des pouvoirs concédés par la Cinquième République. Un ex-banquier rongé par une poussée d’hybris. Nemesis, déesse courroucée et inesquivable jumelle d’Hybris, qui incarne l’orgueil démesuré, n’est pas loin. Comment ne pas se réjouir au fond, de voir Emmanuel Macron s’autodétruire ainsi, appuyant comme un aveugle sur le seul bouton qu’il ne fallait enfoncer, à savoir le peuple ?

CE PREMIER MAI SERA HISTORIQUE. La Ve république sombre à grands flots. Un nouveau jour se lève. Et nous, le cortège de tête, nous qui tirons par notre fougue chaque mobilisation à son terme et au-delà, nous qui sommes le Front de Gauche, nous qui ripostons à mains nues face à une gente militarisée, nous clamons que derrière chacune des vitrines brisées et derrière chaque feu sauvage se cache un cri d’amour pour qu’une nouvelle ère voit le jour. Doit-on le redire encore : rien par le passé ne s’est obtenu sans lutte. Et dans le contexte où nous faisons face à des gens de cette nature, c’est à dire bornée comme sa majesté Borne, la lutte est le seul sens de l’évolution. Nous savons que notre chemin et notre combat sont justes. Nous savons qu’une violence commise au nom de l’amour – et ce mot n’est pas niais car il se veut le serviteur de la vie réelle de notre nation – sera mieux jugée à la fin qu’une paix malhonnête et avare. Nous savons que la colère que nous faisons entendre est d’un point de vue moral supérieure au fait de voler deux ans de vie à des millions de gens, dont l’existence a été et continue d’être un défi.

Nous ne faiblirons devant rien, car ce qui est juste dépasse parfois la théorie. Prenons l’Histoire comme source de sagesse. Pendant la Deuxième Guerre, mes grands-parents, illégalement, aidaient des femmes et des hommes de confession juive à fuir la mort, en leur fabriquant des fausses pièces d’identité. Je m’adresse à vous lectrice et lecteur, et je vous pose la question suivante : de quel bord vous situez-vous ? Quelle ingérence dans la vie du peuple allez-vous encore tolérer au nom de la sacro-sainte République ? Ce qui est juste, au nom de l’amour, prévaudra toujours sur la bienséance hypocrite des Poches-Pleines.

Permettez-moi cet éloge fait ici de nos gens masqués et vêtus de noir. Car c’est en partie grâce à eux que la colère légitime du peuple français est aujourd’hui connue du monde entier. Juste une chose, les frères. Arrêtez de jeter des pavés. Le karma, vous savez.

Jean Tertrain

Appendice un.

Suggestions fictives pour l’écriture d’un roman sur nos troupes.

QUATRE GÉNÉRAUX DONT UN DISPARU. Toute ressemblance avec la réalité ne serait ici que tentative purement assumée d’induire d’aucuns en erreur.

Couvre-chef noir vissé, mélange amer en main, le Général gueule d’une voix militaire les consignes d’orientation et de vigilance. Il suit le groupe un peu à part, sans jamais se fondre complètement dans nos rangs. En première ligne à chaque meeting, il n’est pas masqué, et sans frémir, sourit face aux charges des CRS. Courrez pas les gars, y a rien ! beugle-t-il alors même que nous nous faisons charger brutalement, au cœur d’un nuage de gaz lacrymogène.

Massoud. Lui supervise les constructeurs et les lanceurs de pavés. En vérité, personne ne sait qui il est. Mais il doit son nom de Massoud simplement parce qu’il ressemble un peu à Massoud et parce qu’il se bat à l’image d’un Massoud, moudjahidine contre taliban. Stratège et extrêmement rapide, il donne aussi des consignes mais moins sur le mouvement des troupes que sur l’interaction avec le mobilier urbain. Valeur sûre.

Armand, en surpoids, lent mais solide. Sous sa cagoule noire luisent deux yeux d’un bleu clair perçant comme la lumière des campagnes du nord. Il ne dit rien et fait tout ce que les généraux disent. Quand un général n’est pas là, un autre prend le relais instinctivement. Peu ou pas de communication verbale entre nous, aucune par écrit. Un de nos généraux a disparu. Lui ressemblait à un de ces gars tenant le maquis corse, béret et barbe noire. Rien à dire sur les éclaireurs et les guetteurs dont le travail est excellent.

Appendice deux.

Je me rappellerai toujours, sur le Pont de la Tournelle, deux rangées de flammes et une pluie de grenades volant au dessus de nos têtes et dans la nuit noire du mois d’avril à Paris, cette belle black block qui me donnait son numéro et que j’ai perdu car nous avons dû fuir.


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