Les sept clés gourmandes de Brussel selon Sean Lemmens, haut grailleur et fils de Saint-Gilles.
Vous avez lu le premier volet de notre gustographie Au fin fond de Bruxelles. Vous avez goûté la graisse de bœuf et le chou, le stoemp, les ballekes op Marolse wijze, le troufleur de Waimes et le pottekeis, quelque endive bien gratinée, la griotte aigre de Schaerbeek, le stellaire vol-au-vent de Dirk Miny… et quoi d’autre ? Vous avez même goûté un faro de Lennik, et, avec la satisfaction des bonnes repues, ne manquez déjà d’apprécier déjà un jovial panorama des spécialités populaires du plat pays.
Mais est-ce là vraiment tout ce que vous avez fait, après avoir lu nos consignes ? Si je ne m’abuse, vous avez aussy sûrement bu un lambig millésimé au jet du petit Julien, on vous a initié à l’art de la zwanze, et vous avez assisté de trop prêt… hélas à la Saint-Verhaegen et à l’après-fête de l’Ommegang ; vous avez lorgné sur les tables du Poechenellekelder, avez dormi sous la Grand-Place, allongé sous une table du ‘T Kelderke, avez fait un signe de croix stupéfait devant la cérémonie de bénédiction de la bière à Sainte-Michel-et-Gudule, et avez adressé une prière au salut de l’âme d’Alain – christique patron de l’Imaige Nostre Dame – avant d’avaler une dernière mijole ; et de vous à moi, vous devriez maintenant ressembler à quelqu’un de fort sympathique. Mais… oh ! pardonnez-moi… si le souvenir heureux de mes ans (wit) au Royaume m’a quelque peu fait… déborder… car il n’était ni mention de Lennik, ni de sauce marolienne dans le premier Find fond, ni d’ailleurs de défilé sur la Grand-Place. Mais ne vous inquiétez point, car tout cela sera dit. D’autres listes, et d’autres clés viendront (si le lecteur le souhaite), car le fond bruxellois est sans fond : aussi riche que limpide à qui s’y mire.
Avez-vous seulement commencé cette sapide exploration ? Je ne doute, alors, que la Belgique coule déjà dans vos veines. Vous humez la gaufre, la camerise¹ et le bloedpens². Mais puisque notre lecteur descend de Lucullus, qu’il n’est – pour parler en langue commune – jamais rassasié, et que son goût pour la cuisine de rue ne lui empêche pas d’aimer celle des salons feutrés, nous avons pensé qu’il ne dédaignerait pas ces quelques suppléments réunis sous le signe de la finesse. De plus, nous l’avons dit, toute liste n’est jamais exhaustive. Et ces sept clés additionnelles ne pourront qu’agrémenter vos envies, et ajouter sept couleurs à votre répertoire.
Sean Lemmens (cru 1990), fils de Bart Lemmens et lui-même fils de Marcel Lemmens, est d’abord le fils du patron d’une des plus célèbres brasseries du sud de Bruxelles, et à coup sûr de Saint-Gilles : la Brasserie de l’Union (où l’auteur a – par hasard de la vie – servi). Repaire des ultras de l’équipe de foot de Saint-Gilles, temple antifa de l’apéro saint-gillois et succursale de la vie festive du quartier, l’Union est au minimum un lieu ancré, authentique, et incontournable. Attenante à une esplanade qui fut jadis (et le reste en partie) un véritable coupe-gorge, l’Union est de fait un des bastions de la mémoire vivante du quartier. Ah… si vous les aviez connus… ! Ah Jacques et Suzanne !
Figure de sa génération à Bruxelles (qui ne le connaît, et qui Sean ne connaît ?), puur brusseleir et fondateur avec son épouse Hélène de Canines, une épicerie fine pour canis lupus (dogs are cooler than humans) familiaris, où la rumeur dit que la reine Mathilde viendrait chercher ses croquettes, Sean Lemmens cadrille les rues bruxelloises (le x se prononce s, au cas où…) depuis que ses jambes le portent. Les noms des adresses qu’il a retenu sont, en soi, un vocable de l’excellence culinaire belge… et indiquent déjà l’aptitude sérieuse de notre mangeur au goût.
Mais le rédacteur a trop parlé, place aux clés. Ce dernier s’empresse de finir par ceci. Parole de goûteur, si notre ancêtre et initiateur A. B. L. avait eu un correspondant belge, il n’eût pas rêvé de meilleur confrère que Sean Lemmens avec Théo Blain à Bruxelles ! Découvrez donc maintenant ses principaux repères, qu’il n’offre au lecteur que pour le plaisir de la gueule, la vraie et authentique gueule, au coin des dernières cheminées allumées de la ville, sous la broche et sur les braises : puisse le plaisir des papilles particulières et le bonheur des restaurateurs, par ce partage désintéressé, se voir augmenter.
jean tertrain
1. Pour y goûter… allez à la brasserie Cantillon et cherchez le sang bleu.
2. Celui qu’on trouve en haut de la rue de l’Abricotier… et poêlé avec art par le grand Luc Wittevrouw. Cette rue, par un hasard digne de l’aura cabalistique du quartier, est aussi surnommée Bloempanchgang… La légende veut qu’un charcutier, de mauvais poil, voire poussé à bout par un client trop exigeant (ou était-ce un compagnon de François Villon, qui lui jouait un tour pour obtenir quelque graille sans or ?), ait jeté un boudin à la tête de ce dernier, boudin qui aurait roulé jusqu’à la rue Haute. (Dictionnaire des Rues de Bruxelles de Jean d’Osta, 1986.)
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Les zeven clés
de Brussel
*Mes Restaurants*
Pour manger le poisson,
Oesterput
Si j’ai envie de viande (très bonnes frites),
De Hoef 1627
La meilleure cuisine tradi’ (cadre exceptionnel),
Le Pigeon noir
Quelque chose à fêter (gastro),
La bonne chère
Envie des deux (ter mer),
Crab Club
Quand tu veux voyager (japonais),
Tanuki
Fin de mois,
Le Prétexte
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Sous la cuiller de Sean Lemmens, 21 du neuv. mois, 2024.
Au fin fond de Bruxelles, deuxième partie.
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